dimanche 1 mai 2011

La littérature québécoise et les autochtones


Il n’y avait pas d’ambitions artistiques dans les premiers contacts relatés entre les explorateurs français et les autochtones du Nouveau Monde. Pour renseigner leurs supérieurs, les explorateurs leur écrivaient. Ainsi, Jacques Cartier écrit-il dans son journal : Ce sont les gens qui seraient faciles à convertir, qui vont de lieu en autre vivant et prenant du poisson pour vivre. Rappelons qu’il est connu comme le premier explorateur de l’île peuplée par des Indiens Hurons qu’ils appelaient Hochelaga et qu’il baptisa Mons realis. Le 17 mai 1642, cette île devient la ville de Montréal. Aussi est-il le premier Européen à décrire les autochtones du Nouveau Monde par ses Relations dont les manuscrits originaux sont malheureusement tous perdus. Ils sont restés connus à travers certaines traductions. Une culture autre que celle du chroniqueur n’est pas accordée à ces primitifs ; d’après Cartier, ils étaient sans culture.

C’est sous Henri IV que la colonisation du Canada débute. En 1603, Samuel de Champlain a fondé la ville de Québec, ce qui a été le point de départ de la venue de colons français et dont le développement fut rapide. Le grand projet européen a été d'installer les autochtones dans des villages contrôlés par des chrétiens. Les habitants des colonies ressentaient des sentiments divers à l’égard des gens des Premières Nations qu’ils nommaient „sauvages“. Selon Cartier, ce mot veut dire „proche de la nature“, parce que leur âme fut aussi pure que [celle] des enfants. Dès leur découverte, un certain mythe s’imposa auteur d’eux. Dans la littérature, il est bien connu comme le mythe du bon sauvage. On y décrit un être libre, ouvert à tout et guidé par le bon sens. Il paraît toujours plus heureux que l’être civilisé. Dans la littérature française, ce mythe est présent dans les Essais de Michel de Montaigne (chapitres consacrés aux Cannibales et aux Coches), dans Supplément au voyage de Bougainville de Denis Diderot, dans Paul et Virginie de Bernardin de Saint-Pierre – ne citons que quelques titres.

Yves Thériault est l’un des écrivains québécois qui s'est inspiré de ce mythe. Son œuvre abondante nous fait découvrir son vif intérêt pour les autochtones et surtout pour les Inuits (ou les Esquimaux). Son sixième roman Agaguk, publié en 1958, nous décrit leur vie et leurs mœurs dans le milieu du siècle précédent. Il nous apprend qu’il existe une hiérarchie bien déterminée dans les tribus et qui peut se remarquer grâce à la position des huttes, c’est-à-dire des igloos (l’igloo du chef se trouve toujours au centre). On découvre aussi qu'ils organisent des fêtes avec de l’eau-de-vie pour oublier des événements mauvais, qu’ils parlent des autres avec mépris, qu’ils appellent les Blancs – les „Grands-Sourcils“ et les Indiens – les „Montagnais“, qu’ils courent en riant quand ils sont trop excités, que les femmes y sont considérées seulement comme des femelles, que les vieux meurent seuls après s’être enfermés dans les igloos loin du village sans nourriture, etc. Outre son très grand intérêt documentaire, Agaguk est une œuvre riche de significations. Elle commence par la révolte du héros principal, et finit par son humanisme – Agaguk laisse en vie sa fille aînée-qui a un jumeau, ce qui est tout à fait en opposition avec la tradition du peuple inuit. (Il faudrait laisser vivre la fille? Soit, les provisions ne manqueraient pas cet hiver; mais l’hiver d’ensuite? Le petit, lui, grandirait rapidement.  En peu de temps il apporterait sa part des provisions, mais la fille? Qu’il y ait seulement un mauvais hiver, la bouche de plus à nourrir serait une charge énorme – est-il écrit dans le roman). C’est Iriook, la femme d’Agaguk, qui a influencé la décision définitive de son mari. La place d’Iriook devient au fur et à mesure de plus en plus importante dans le roman ; elle est une sorte de dédoublement d’Agaguk. C’est aussi le dédoublement de l’action qui se produit dans le récit – elle se passe tantôt au village, tantôt dans la toundra. Par ce procédé, l’auteur nuance plusieurs dimensions du roman. Ainsi, celui-ci devient complexe comme les relations entre les Inuits et les gens du monde extérieur qu’il décrit. L’antagonisme entre les Esquimaux et les Blancs y est évidemment accentué. N’oublions pas de souligner ici l’importance du thème de l’exploitation des peuples dits primitifs par des peuples dits civilisés.  

Agaguk fut couronné par le Grand Prix de la Province de Québec. Les romans autour du même sujet qui le suivent son : Tayaout, fils d’Agaguk (1969) et Agoak : l’héritage d’Agaguk (1975). Ensemble, ils forment la célèbre trilogie esquimaude d’Yves Thériault. En ce qui concerne les thèmes indiens élaborés par cet écrivain, nous les retrouvons dans plusieurs de ses romans parmi lesquels le plus connu est indubitablement Ashini (1960). Vu que Thériault est lui-même d’ascendance montagnaise, c’est-à-dire innue (les Innus sont le peuple autochtone amérindien originaire des régions québécoises du Saguenay-Lac-Saint-Jean et de la Côte Nord), il est logique qu’avec ce roman il a essayé d’exprimer ses propres sentiments et convictions. De plus, l’ayant écrit à la première personne du singulier, il s’y est évidemment identifié avec le héros principal, vieil indien Ashini.

En jetant un regard sur la production littéraire québécoise de date plus récente, nous retrouvons plusieurs romans traitant ce même sujet. En 1996, Réal Ouelet, romancier et nouvelliste, publie L’Aventurier du hasard. Il s’agit d’une biographie romancée du baron de Lahontan dont le nom évoque la Nouvelle-France. Réal Ouelet est aussi ré-éditeur de quelques grands textes issus de la colonisation française en Amérique auxquels il donne sa propre critique : Samuel de Champlain – Des Sauvages (1603), Gabriel Sagard – Le grand voyage du pays des Hurons (1632), Chrétien Leclercq – Nouvelle relation de la Gaspésie (1691), Louis-Armand, baron de LahontanŒuvres complètes (1703). En 2002, Pierre Léon, savant universitaire, compose Un Huron en Alsace, roman inspiré par L’Ingénu de Voltaire. La même année, Gérard Bouchard, historien et écrivain, publie un roman historique – Mistouk, qui est une majestueuse et touchante fresque de l’époque de Maria de Chapdelaine (Evelyne Méron) et dont le titre évoque un village au vieux nom indien.

Nous n’avons cité qu’un petit nombre d’œuvres qui nous donnent l’image des autochtones. Ce qui est évident, c’est qu’ils ne cessent pas d’être une grande inspiration pour les auteurs québécois. Si le Canada doit sa personnalité propre aux tensions régnant entre ses deux Nations fondatrices, l’anglaise et la française, cette dernière est elle-même enrichie et affinée par sa relation difficile avec les Premières Nations. (Ibid.)

Aujourd’hui, la population totale des autochtones du Québec est estimée à presque 100000 personnes appartenant à onze nations – l’une est inuite et les dix autres sont amérindiennes.

 Jovana SLIJEPČEVIĆ




2 commentaires:

  1. bravo
    pour ce magistral article

    A la toute fin du 19ème siècle, Honoré Beaugrand, lorsqu'il consigne par écrit la légende de la chasse-galerie, fait du canot d'écorce le symbole même du don culturel des autochtones aux coureurs des bois: le nomadisme lumineux des grands espaces.

    On commence à peine à découvrir ce que l'autochtone nomade a sculpté en l'homme blanc européen pour que naîsse, du mangeur de lard au voyageur du nord, du voyageur du nord au voyageur de l'Athabasca, du voyageur de l'Athabasca au FREEMAN,un prototype post-moderne de l'homme libre, archétype de la vie privée oeuvre d'art dont le symbole serait l'arpenteur Thompson ou le coureur des bois Charles Racette.

    Hors temps, hors réalité, hors servitude, tel est notre héritage autochtone, d'un pays oeuvre d'art à naître, le Québec de demain.

    Pierrot
    www.reveursequitables.com
    www.demers.qc.ca
    ermite des routes
    monsieur 2.7k

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  2. Je me permets
    de vous faire découvrir
    un extrait
    de mon laboratoire
    de recherche littéraire

    MONSIEUR 2.7K (un freeman numérique)

    par Pierre Rochette


    PAGE 1:)))

    Voici l’histoire de Monsieur K… , prisonnier numérique K…ui s’évade d’Internet après avoir
    franchi 1000 pages dématérialisées de débrits de bitts… Son rêve, marcher la fraîcheur
    existentielle de la beauté du monde sans le boulet de l’information enchaîné à l’un de ses pieds,enfin libéré de 1000 pages de placenta ayant permis l’accouchement d’un vagabond céleste.

    MONSIEUR
    2.7K

    CERVEAU-THÉÂTRE

    Déjeuner-causerie

    avec

    L'AUTEUR-CONTEUR.....

    CHER MONSIEUR…

    Votre manière d'écrire est si déroutante ''K''…u'on n'arrive pas à la classer. En ce ''K''…ui
    me concerne, j'avoue être incapable d'imaginer ''K''…uels lecteurs pourraient lire ce récit d'un
    bout à l'autre.

    CHER EDITEUR…
    N'est pas Francisco de Robles qui veut. Ce ne sera pas la première fois, dans l'histoire de
    l'art, ''K''…u'un éditeur se rend immortel grâce à son incompétence littéraire. Je vous rendrai donc immortel, comme le fit Proust pour Gide et même un peu plus. Pardonnez ma générosité…. Mon cerveauthéâtre
    de 1000 pages ''K''…ommencera ''donc'' et se terminera ''donc" par votre lettre.
    ''Il n'est de vraie littérature ''K''…ue produite non par des fonctionnaires bien pensants et zélés, mais par des fous, des ermites, des hérétiques, des rêveurs des rebelles et des sceptiques''…
    Zamzatin…vous connaissez cet écrivain monsieur l'éditeur?))))))))
    ***(paquet de bits)…***

    Pierrotla lune)))
    directeur artistique des mots


    WWW.REVEURSEQUITABLES.COM
    PRESSE
    MONSIEUR 2.7K

    WWW.ENRACONTANTPIERROT.BLOGSPOT.COM

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    CHANSONS DE PIERROT
    PAROLES ET MUSIQUE

    SUR GOOGLE,
    SIMON GAUTHIER CONTEUR VIDEO VAGABOND CÉLESTE

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