dimanche 15 mai 2011

Notes sur LA POÉTIQUE DE PAUL VALÉRY


-Les débuts brillants de Paul Valéry sont salués par Mallarmé, mais en 1892 il décide de délaisser la poésie (son silence durera vingt ans) pour se consacrer à la maîtrise de soi et à la connaissance du fonctionnement de l’esprit ; il se retire au „cloître d'intellect“ et s’oblige de „tuer la marionnette en soi“. C’est sur les instances de Gide qu’il reviendra à la poésie, écrivant l’essentiel de son œuvre entre 1917 et 1922. 

-„La véritable condition d’un véritable poète est ce qu’il y a de plus distinct de l’état de rêve… Qui dit exactitude et style invoque le contraire du songe“. (Variété II) Valéry donne donc le plus grand prix à la perfection de la forme, à la lucidité et à la raison. Il  rappelle un poète comme Malherbe, c’est un disciple de Mallarmé. Cette volonté d’être lucide et clair, Valéry l’applique dans ses poèmes :
▫ La Jeune parque (→ monologue d’une jeune femme qui vient de s’éveiller au bord de la mer, sous un ciel étoilé ; il constitue un véritable drame intérieur, en cette nuit où elle passe de l’enfance à l’âge adulte. „La Jeune Parque fut une recherche, littéralement indéfinie, de ce qu’on pourrait tenter en poésie qui fût analogue à ce qu’on nomme „modulation“ en musique“ – écrit Valéry dans les Mémoires d’un poète)
▫ le recueil Charmes (→ ensemble de 21 poèmes de longueur très variable et d’une grande diversité de formes et de registres : odes, sonnets, chansons libertines, etc. Ce recueil s’organise autour de quatre poèmes principaux : „Fragments du Narcisse“, „la Pythie“, „Ébauche d’un serpent“ et „le Cimetière marin“).

-Pour Paul Valéry la poésie est la sensibilité (au sens vague), et la fabrication des poèmes (au sens plus précis). Le mot  „fabrication“ souligne l’importance du travail qui s’oppose à l’inspiration à la manière romantique.

-Il a réussi à concilier les deux côtés différents – apollonien et dionysien – c'est-à-dire le côté représentant le travail minutieux et le côté représentant l’inspiration (poeta faber  ≠ poeta vates).
 
-Selon lui, le poète doit être lucide, en mesure de susciter les émotions et les idées vécues chez le lecteur ; au lieu de lui expliquer ses émotions, le poète devrait le changer en un inspiré. → l’idée déjà présente au XVIII siècle chez Diderot (Le Paradoxe sur le comédien) qui disait : „Il faut pas montrer les larmes, mais les faire couler“. Pour pouvoir produire cet effet, on a besoin d’un langage capable de susciter cet état, et ce langage Valéry nomme le „langage dans le langage“.

-Il défend l’idée qu’il faut chasser tous les éléments de la prose – ainsi obtient-on un langage épuré qui est capable d’exprimer la poésie pure (→ elle reflète un univers poétique où „des objets et des êtres vivants ont une autre vie et ont d'autres libertés et d'autres liaisons que celles du monde pratique“ - par cette définition il se rapproche des surréalistes , même si sa conception de la création est tout à fait différente ; il opte pour la conscience dans la création poétique).

-Dans l’univers poétique, la nature est soumise aux puissances du langage : il s’agit d’une réalité transformée.

-D’après Valéry, le poème doit être dépouillé du message puisque c’est une construction de l’esprit tout à fait autonome. Il faut rejeter la poésie à thèse, bannir tout ce qui est utile.

-La poésie absolue est insaisissable, et la perfection de l’expression est impossible à atteindre. La conclusion est qu’un poème ne peut jamais être achevé, mais seulement abandonné ; il n’y a pas une interprétation définitive du poème.

-„Le premier vers est toujours un don - il faut créer le second qui sera digne du précédent“ – écrit Valéry dans ses Cahiers (= il faut être patient et savoir comment utiliser ce que l'inspiration nous accorde).

-L’acte d’écriture, selon Valéry, a deux phases :
 1) la traduction des sentiments, des mouvements d’âme en une langue intelligible
 2) travail minutieux sur la forme

-Sa poésie est le résultat de la lutte entre le contenu et la forme (→ tradition vivante avant lui, chez Baudelaire et Mallarmé, p.ex.). Si la forme est bien choisie, le sens vient avec.

-De cette admiration pour la forme vient son intérêt pour l'architecture et la musique (→ les deux possèdent leur propre logique) ; dans son poème le „Cantique des colonnes“,  il nous montre que la belle forme résiste au temps.

-Valéry compare souvent la poésie avec la danse, parce qu’elles possèdent la même force évocatrice au moment de leur exécution. 

-„Le système, c'est moi“ – disait-il (= notre univers subjectif doit être le sujet de nos recherches).

-Pour Valéry la poésie est un état d'union absolue entre le non-moi et moi, étant ainsi complet.

-La structure d'une œuvre doit être préméditée (ce qui reflète l’influence de „La Philosophie de la composition“ d’Edgar Alain Poe) ; „Un poème doit être une fête de l’intellect“(≠ „Une poème doit être une débâcle de l’intellect“ – phrase de Paul Éluard)

-Dans une lettre à son ami Pierre Louÿs, il expose les règles de sa poétique :
1) les mots sont les éléments pareils aux couleurs et aux mots
2) chaque mot a sa place dans une construction poétique et ne put pas être déplacé sans nuire au sens
3) chaque mot évoque une musique, chaque rythme a sa signification
4) l’idéal d’une composition parfaite est la symphonie
5) la moyen de l’atteindre est l’alexandrin
6) la méthode dont il se sert largement est l’intra-sonorité (= le même son répété plusieurs fois dans un vers).

-Il est très difficile et même injuste de réduire sa poésie à un néoclassicisme intellectuel, rigoureux ; elle est beaucoup plus complexe.

(Sources diverses)

1 commentaire:

  1. "-Il est très difficile et même injuste de réduire sa poésie à un néoclassicisme intellectuel, rigoureux ; elle est beaucoup plus complexe." OUI et bravo pour cette conclusion d'un brillant article.

    Sur le plus long poème de "Charmes" intitulé "Narcisse" j'ai même trouvé un poète Louis Latourre qui a mis Paul Valéry en scène et donné une réflexion sur son retour à la poésie.
    Voici les deux liens:
    http://www.youtube.com/watch?v=89jqHmzCyxo

    http://www.discutons.org/Retour_en_poesie__Paul_Valery__Louis_Latourre-Sujet-41267.html

    Il existe aussi de nombreux liens sur "l'intra-sonorité" comme ici sur UN et IN les voyelles :

    http://www.languefrancaise.net/forum/viewtopic.php?pid=59713

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