jeudi 16 juin 2011

Notes sur LE STYLE D’ÉCRITURE PARTICULIER DE YOURCENAR DANS LES MÉMOIRES D’HADRIEN

-Marguerite de Crayencour, dite Marguerite de Yourcenar (1903-1987), a été la première femme élue à l’Académie française (en 1980). Sa formation très classique où dominait l’étude du latin, du grec et des langues vivantes a influencé fortement son œuvre dans laquelle se manifeste une fascination pour l’antiquité.

-Yourcenar part de la connaissance de l’histoire qui s’impose comme un des plus fermes piliers de sa création artistique. Un énorme et minutieux travail d’historienne est derrière les Mémoires d’Hadrien. Selon elle, l’appareil documentaire est nécessaire pour la reconstruction des personnages qui ont existé ainsi que les lieux où ils ont vécu. Donc, il faut tout apprendre, tout lire, s’informer de tout. 

-Les Mémoires d’Hadrien sont écrits dans une langue épurée, parfaite imitation du style de stoïciens de l’antiquité, émouvante par la sobriété avec laquelle sont évoquées les souffrances et la maladie d’Hadrien, ses passions et son chagrin ; la narration sert comme le support à une longue méditation sur la vie, la sagesse, le temps, la mort.

-Le recours aux maximes et proverbes est une des procédés les plus utilisées dans l’écriture de Yourcenar (→ il reflète le régime méditatif de l’œuvre).

-Le style de Yourcenar exprime sa vaste culture, son éducation, son humanité et son génie, sa grande connaissance de la philosophie, de l’histoire d’antiquité. Elle peint Hadrien avec l’instrument de lucidité (= la parole parfaitement organisée et presque impersonnelle). 

-Sans le travail de l’imagination, sans la rêverie, il est impossible de redonner la vie aux reliques du passé. Concernant l’écart chronologique (18 siècles) entre Yourcenar et Hadrien, la connaissance de l’histoire est insuffisante. Une sorte de symbiose s’établit entre l’auteur et ses personnages. Sympathiser, c’est justement s’identifier à ses personnages. Cette technique d’identification est d’une part inventée et d’autre part empruntée aux philosophes orientaux.

-Pour revivre le personnage, il faut qu’un contact soit établi entre celui qui récrée et le personnage récréé. Le contact est le point initial pour mettre en marche la technique de revivification. C’est la Villa Adriana qui sert de point de départ pour la rédaction du futur roman.

-L’essentiel, c’est de dégager la ligne qui mène du particulier au général. Par ce procédé synecdochique, l’anecdotique ne sert que de prétexte pour la méditation philosophique de l’empereur sur la condition humaine. 

-Yourcenar découvre certains types de comportements humains. Donc elle généralise. Situé dans l’époque d’Hadrien, elle dégage une personnalité qui n’appartient pas seulement à un moment historique précis, mais qui existe toujours dans les esprits.

-La qualité principale de l’œuvre est l’actualité du passé. Les réflexions d’Hadrien sont d’un intérêt toujours actuel. Ses conseils valent pour tous les temps. D’après les mots de Yourcenar c’est l’histoire d’un homme intelligent et persécuté ; cela se passe vers 1569 et pourrait s’être passé hier ou se passera demain. 

-Le moi n’est pas celui de Yourcenar ; elle glisse ses pensées sous le plume d’Hadrien. À travers lui, elle rêve d’un homme d’Etat idéal, capable de stabiliser la terre. Elle partage avec lui la sagesse inspirée des doctrines orientales qui consiste à se préparer à sa propre mort, à y entrer les yeux ouverts.

-Ce roman en 6 chapitres, titré en latin, est en forme d’une lettre d’Hadrien, adressée à son petit fils adoptif de 17 ans, Marc Aurèle, son futur successeur. En fait, cette lettre est composée de 4 parties, encadrées d’un prologue et d’un épilogue. Le roman moderne efface les préfaces, mais Yourcenar persiste à ajouter les préfaces et les postfaces ; elle souhaite que ces préfaces donnent ce qu’elle appelle la genèse  ou  le cadre du récit. Les préfaces permettent une continuité ; elles nous entraînent vers une méditation sur le temps et l’écriture. 

-Le récit est à la première personne du singulier, mais très souvent Hadrien dépersonnalise le discours, ce qui est l’inverse de l’objectif de la communication épistolaire. 

- Le passé romain rejoint le passé du récit (= il s’agit du double passé). La lettre commence par la visite d’Hadrien à son médecin ; il ne se sent pas bien et il revient sur son passé en désordre. 

-L’œuvre ne se déroule pas d’une manière linéaire, mais autour d’un axe qui est la mort prochaine d’Hadrien ; (le souvenir d’Antinoüs est présent dès le début). Le temps dans l’œuvre a le caractère fragmentaire. Aucune continuité ne réunit le passé au présent et le présent au futur. Il n’y a ni passé, ni futur, seulement une série des présents successifs. 

-Le langage est noble, Yourcenar recourt aux figures du style : comparaison, métaphores, périphrases, symboles.

-Le style de Yourcenar a plusieurs tons. Il y a deux tons distincts annoncés par Hadrien, lui-même, quand il écrit : C’est du latin quand j’ai administré l’empire…mais c’est du grec que j’aurais pensé et vécu. Le ton latin est celui de l’administration, du moraliste qui fait l’examen de conscience, le ton grec est celui de l’homme qui n’est grec que par la volonté et choix. Le ton latin est net et sérieux, et le ton grec est doux et attristé, ce qui répond à la complexité entière du roman.

-L’écriture de Yourcenar est à la fois vraiment poétique – elle s’approche de la poésie pure.

-Le discours devient au fur et à mesure le monologue d’Hadrien. Avec la présence de ses réflexions, Yourcenar réussit à introduire le discours essayistique dans la narration romanesque. Ainsi place-t-elle son œuvre à la croisée de plusieurs genres.

-L’instrument de lucidité de Marguerite Yourcenar déjà mentionné est le plus présent dans ces parties essayistiques. Dans le roman le discours théorique impersonnel se présente : par un changement de pronom avec «on», par l’utilisation de la construction infinitive et par la généralisation avec des pronoms et des adjectifs indéfinis comme „chaque“, „aucun“, „personne“, etc. Toutes ces constructions démontrent que le langage des Mémoires est didactique et moralisateur.

-Habilement et savamment, Marguerite Yourcenar réussit à réunir les tons, les domaines et les thèmes différents, sans les contredire.

(Sources diverses)

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