mercredi 15 juin 2011

Notes sur LA PRINCESSE DE CLÈVES DE MADAME DE LA FAYETTE


-La Princesse de Clèves, roman de Marie-Madelaine Pioche de La Vergne, comtesse de La Fayette, dite Mme de La Fayette, fut publié anonymement à Paris en 1678.

-Composé en collaboration avec Segrais et La Rochefoucauld, le roman donna lieu à une enquête publique dans Le Mercure galant (on appelait les lecteurs à se prononcer : la princesse a-t-elle raison d’avouer ?), puis à une véritable querelle littéraire entre Anciens et Modernes à travers la critique de Valincour et la réponse de l’abbé de Charnes, notamment autour de la question du vraisemblable.

-Dernier texte romanesque de Mme de La Fayette, où convergent et s’approfondissent les thèmes essentiels de ses œuvres antérieures, la Princesse, en mettant au premier plan l’analyse intérieure, impose une écriture nouvelle.

-Avec ce roman, le lecteur part à la découverte de la cour, celle d’Henri II, mais aussi, par transposition, celle de Louis XIV – car c’est ainsi qu’on lut le roman, présenté par l’auteur comme des Mémoires par opposition aux romans de l’époque antérieure.

-Mme de La Fayette, proposant une parfaite imitation du monde de la cour et de la manière dont on y vit, lève le masque : tout n’y est que tromperie et dissimulation.

-Le voyage à la cour, dans la fiction, c’est Mme de Chartres qui l’effectue : venue de province avec sa fille, elle surgit du passé, forte des valeurs morales et aristocratiques des décennies précédentes. Elle vient chercher mariage, mais aussi, plus ou moins consciemment, en remontrer à ce monde perverti : sa fille (Mlle de Chartres, qui est, dès l’origine, investie d’une mission : être différente des autres femmes) doit être l’ange accusateur, préparé par une éducation stricte, par une véritable pédagogie (→ non pas chercher l’amour, mais en parler, en montrer les plaisirs pour mieux en révéler les âpres souffrances, notamment dues à l’inconstance des hommes).

-Les premiers pages offrent un portrait des hommes les plus admirables de la cour : les derniers présentés, êtres d’exception, sont le prince de Clèves, puis le vidame de Chartres, seul digne d’être comparé au dernier, le duc de Nemours.

-La logique romanesque ménage immédiatement une rencontre entre „le chef-d’œuvre de la nature“ (= Nemours) et „la beauté parfaite“ (=Mlle de Chartres). Cette logique romanesque est bien en place, mais sa fin est tout autre : ils se rencontreront comme il se doit, mais trop tard (→ l’amour est inévitable et rendu impossible).

-Le texte se construit par la combinaison de divers procédés :
alternance du fictif et de l’historique
insertion d’importantes „digressions“ (= récits illustrant les souffrances de l’amour, examens de conscience rétrospectifs, etc.)

-Discret mais présent, le narrateur soulignera la force du travail de culpabilité (→ elle ne sera assumée et dépassée que si elle renforce l’amour-propre → d’où pour Mme de Clèves la nécessité de se donner en exemple : non pas à Nemours, mais au vidame qui organise à son insu le dernier rencontre, lui qui est à la foi le double de Nemours, incarnation de la cour par ses galanteries et d’une figure paternelle absente).

-VOIR : c’est le regard de la cour qui scrute pour dominer et deviner les secrets, regard auquel on n’échappe qu’en trompant et en fuyant. C’est justement ce regard qui a constitué Nemours et la princesse en couple idéal, devenu spectacle aux yeux de tous (et c’est le roi qui ordonne à Mme de Clèves de danser avec Nemours, scellant et légitimant symboliquement une union illégitime, se déjugeant ainsi dans son rôle de père et de souverain).

-On explique le refus de la princesse par les arguments qu’elle avance : son devoir à l’égard d’un mari, dont elle a causé la mort, sa peur de l’inconstance des hommes – seuls les obstacles auraient nourri la passion de Nemours – et de la jalousie, enfin le souci de son repos (→ conclusion logique à un roman où les passions sont souvent fatales, où l’amour humain se dit sur le mode de la douleur et de l’insatisfaction) ; seule la proximité de la mort la détourne définitivement de l’amour humain en une manière de conversion (qu’éclaire parfaitement la Prière pour demander à Dieu le bon usage des maladies de Pascal).

-La princesse se tourne vers les choses de l’autre vie (→ l’amour devient alors prosélytisme) ; le véritable repos ne saurait être purement humain (→ on quitte l’ethnique pour la métaphysique).

-Mme de Clèves transcende et dénonce la vanité des plaisirs terrestres dont la cour est le terrain d’élection privilégié, mais aussi la tentation héroïque du renoncement mondain, c’est-à-dire les valeurs aristocratiques, dépassant en cela sa mère même, comme échappant à son emprise obsédante par la découverte d’une vérité supérieure. 

(Source principale: Jean-Pierre Beaumarchais, Daniel Couty, Dictionnaire de grandes œuvres de la littérature française, Larousse-Bordas, Paris, 1998.)

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