C’est un coup de force. 500 écrivains, et pas n’importe lesquels,
ont publié ce mardi 10 décembre une pétition protestant contre «la
surveillance de masse» sur Internet et réclamant une «Charte
internationale des droits numériques» sous l’égide de l’ONU.
La voici:
Ces derniers mois, l'étendue de la surveillance de masse est devenue
notoriété publique. De quelques clics de souris, l'État peut accéder à
votre portable, à votre adresse e-mail, à vos réseaux sociaux et à vos
recherches sur Internet.
Il peut suivre vos penchants et vos activités politiques et, en
partenariat avec des sociétés de l'Internet, il recueille et stocke vos
données et il peut donc prédire votre consommation et vos comportements.
Le pilier fondamental de la démocratie est l'intégrité inviolable de
l'individu. L'intégrité humaine s'étend bien au-delà du corps physique.
Dans leurs pensées et dans leurs environnements personnels et de
communication, tous les êtres humains ont le droit à une intimité sans
encombre.
Ce droit fondamental est rendu caduc par l'abus de
l'évolution technologique par les États et par les sociétés organisées à
des fins de surveillance de masse.
Une personne placée sous surveillance n'est plus libre; une
société sous surveillance n'est plus une démocratie. Pour rester
valides, nos droits démocratiques doivent s'appliquer aussi bien dans le
virtuel que dans le concret.
* La surveillance viole la sphère privée et compromet la liberté de pensée et d'opinion.
* La surveillance des masses traite chaque citoyen comme un suspect
potentiel. Elle remet en question un de nos triomphes historiques :
celui de la présomption d'innocence.
* La surveillance rend l'individu transparent, tandis que l'État et
la société fonctionnent dans le secret. Comme nous l'avons vu, ce
pouvoir est systématiquement abusif.
* La surveillance est un vol. Ces données ne sont pas un bien public :
elles nous appartiennent. Quand elles sont utilisées pour prédire notre
comportement, nous sommes spoliés d’autre chose : du principe de la
libre volonté, essentiel à la liberté démocratique.
NOUS EXIGEONS LE DROIT pour tous les peuples à déterminer,
comme citoyens démocratiques, dans quelle mesure leurs données
personnelles peuvent être légalement collectées, stockées et traitées et
par qui; d'obtenir des informations sur l'endroit où leurs données sont
stockées et comment elles sont utilisées; d’obtenir la suppression de
leurs données si elles ont été illégalement recueillies et stockées.
NOUS APPELONS TOUS LES ÉTATS ET SOCIÉTÉS à respecter ces droits.
NOUS APPELONS TOUS LES CITOYENS à se lever en défense de ces droits.
NOUS APPELONS LES NATIONS UNIES à reconnaître l'importance
centrale de la protection des droits civils de l'ère numérique et de
créer une Charte internationale des droits numériques.
NOUS APPELONS LES GOUVERNEMENTS à signer et à adhérer à une telle convention.
La pétition a été écrite à l’initiative de sept écrivains (Juli
Zeh, Ilija Trojanow, Eva Menasse, Janne Teller, Priya Basil, Isabel
Fargo Cole, Josef Haslinger). Parmi les signataires, on trouve :
J.M. Coetzee, Michael Ondaatje, Günter Grass, Paul Auster,
Margaret Atwood, Don DeLillo, Jonathan Littell, Daniel Cohn-Bendit,
Björk, David Grossman, Amos Oz, Henning Mankell, Per Olov Enquist, Orhan
Pamuk, Martin Amis, Peter Sloterdijk, Dave Eggers, Jeffrey Eugenides,
Richard Ford, Richard Powers, James Salter, David van Reybrouck, Yann
Martel, Juan Gabriel Vásquez, Alaa al-Aswany, Jean-Jacques Beineix,
Marie Darrieussecq, Philippe Djian, Lionel Duroy, Boualem Sansal,
Mathias Énard, Jérôme Ferrari, Laurent Gaudé, Catherine Millet, Frédéric
Mitterrand, Martin Winckler, Flore Vasseur, Ulrich Beck, Günter Grass,
Elfriede Jelinek, Peter Esterhazy, Erri de Luca, Javier Marías, Julian
Barnes, Louis de Bernières, Ian McEwan, Will Self, David Vann, T.C.
Boyle, Jennifer Egan.
(Source: Le Nouvel Observateur)
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