vendredi 22 avril 2011

Pierre Loti et les Slaves du Sud (dr Risto Lainović)

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(Le texte ci-dessous, écrit par Monsieur Risto Lainović, fut publié comme préface au livre Pasquala Ivanovitch et autres pages monténégrines de Pierre Loti (Éditions Pardès, Paris, 1991, p. 7-20). UN TRÈS GRAND REMERCIEMENT à M. Lainović, docteur ès lettres et chevalier dans l’Ordre des Palmes académiques, qui nous a donné certains de ses textes précieux que nous allons continuer à republier ici.)

Pierre Loti n’aurait pas été un turcophile conséquent s’il avait aimé le Monténégro, pays réputé être le plus tenace ennemi européen de la Turquie. L’histoire de cette petite principauté est marquée par ses luttes contre l’Empire ottoman.
Slaves, des mêmes origine, langue et religion que le Serbes, les Monténégrins eurent leur État dès le XIe siècle sous le nom de Zéta, celui de Monténégro (Crna Gora) ne devant apparaître que trois cents ans plus tard. Ce pays changea fréquemment de frontières et fut parfois réduit à un espace fort limité, mais – jusqu’à la Grande Guerre, quand il sera occupé par les Autrichiens – garda toujours une autonomie plus ou moins grande : une ile de liberté dans l’énorme océan ottoman. Soucieux de sauvegarder leur autonomie et leur indépendance, les Monténégrins, peuple habitué à une vie pénible sur un terrain aride et montagneux, n’hésitaient pas à affronter, les armes à la main, non seulement les Turcs, mais aussi les Byzantins, Vénitiens, Italiens, Albanais, Autrichiens, Français (de Napoléon), Italiens, Allemands. Les siècles d’une vie dure dans un environnement hostile laissèrent nécessairement leur empreinte sur la physionomie du montagnard monténégrin. Selon Loti, ce montagnard avait l’air d’un bandit ; il lui inspirait de la méfiance. Et quoique les allusions de l’écrivain français concernant son inquiétude dans les défilés des montagnes monténégrines fussent vraisemblablement faites par besoin de dramatiser le vécu artistique, rien d’étonnant à ce que ce montagnard slave, costaud, moustachu et armé jusqu’aux dents, inspirât la peur à celui qui ne le connaissait pas bien.

mardi 19 avril 2011

George Sand et le féminisme avant l'heure

Portrait de Sand, peint par Delacroix

George Sand, de son vrai nom Aurore Dupin, est née en 1804 à Paris. Fille d’un officier des armées impériales et d’une ouvrière en modes, elle fut l’épouse du baron Casimir Dudevant, mais se sépara de lui au bout de quelques années et continua de mener une vie indépendante. Toute sa vie fut placée sous le signe d’une grande liberté. Son œuvre abondante comporte environ quatre-vingt romans, plus de vingt volumes de correspondance, ainsi que des études diverses et des récits autobiographiques. De plus, elle collaborait avec de nombreux journaux (La Liberté, La Revue des deux mondes, La Presse, Le Monde, L’Artiste et beaucoup d’autres) où elle publiait ses textes critiques, et, avec le socialiste Pierre Leroux, elle fonda La Revue indépendante dans laquelle elle faisait circuler ses propres idées. À l’initiative de son fils Maurice Sand et de sa femme Lina Calamatta, les Questions d’art et de littérature, recueil de textes critiques de George Sand, ont été publiées à titre posthume en 1848. Aujourd’hui, ce recueil représente la source la plus accessible pour connaître Sand comme journaliste, chroniqueuse et surtout comme critique. 

dimanche 17 avril 2011

Ouverture littéraire

Pour bien commencer, il nous faut des mots tout à fait particuliers.

(Et voici d’emblée une petite pause qui s’impose ! C’est-à-dire la méditation sans aucune agitation.)

Comment et où les trouver ? Il est bien connu que les premiers mots sont les plus difficiles à écrire… ici et ailleurs. Si nous étions les „je-m’en-foutistes“, peut-être cette ouverture littéraire serait-elle différente. Mais elle ne l’est pas.

(Et voici la vérité qui signale la créativité ! C’est-à-dire la fin de la méditation sans aucune agitation.)

Alors, ces premiers mots tout à fait particuliers qui vont nous servir d’ouverture littéraire, ils seront tout simplement ceux d’un grand écrivain. Et ce grand écrivain ne sera pas français (même si vous l'avez supposé), il sera un des nôtres. Et même s’il n’est pas français, il est ancré dans la littérature française. Oui. Il nous a donné de superbes traductions de Pierre Corneille, Raymond Queneau, Saint-John Perse, entre autres, il nous a beaucoup enseigné sur le Marquis de Sade, Charles Baudelaire, André Gide et sur bien d’autres écrivains dont les œuvres ne cessent d'être explorées aujourd’hui. Il a passé les dix dernières années de sa vie en France où il est devenu l’un des plus estimés et renommés écrivains des Balkans. Ses livres sont publiés en traduction française aux éditions Gallimard, Grasset, Fayard, etc. De plus, il y a des extraits de ses livres qui sont écrits directement en français - rappelons-nous seulement du dialogue entre Aventurier et Eurydice dans La Mansarde :

Govorili smo tiho, glasom koji se gubio u muzici. „Sedećemo ovde i gledaćemo kao u snu. Za mene je to, da znaš, kao neki san što mi ovde sedimocomme un rêve singulièrement profond, car il faut dormir très profondément pour rêver comme cela... Je veux dire: C'est un rêve bien connu, rêve de tout temps, long, éternel, oui être assis près de toi comme à présent, voilà l'éternité.
Poète!
reče ona. „Bourgeois, humaniste et poète ...
Je crains que nous ne soyons pas du tout et nullement comme il faut!
odgovorih. „Sans aucun égard. Nous sommes peut-être siročad života, tout simplement. “
Joli mot. Dis-moi donc … II n'aurait pas été fort difficile de rêver ce rêve-là plus tôt. C'est un peu tard que monsieur se résout à adresser la parole à son humble servante. “
Comment? C'était une phrase tout à fait indifférente, ce que j'ai dit là. Moi, tu le remarques bien, je ne parle guère le français. Pourtant, avec toi je préfère cette langue à la mienne, car pour moi, parler français, c'est parler sans parler, en quelque manière — sans responsabilité, ou comme nous parlons en rêve. Tu comprends?
A peu près. “

Oui, c’est Danilo Kiš. Le grand Danilo Kiš ! Et ce sont ses conseils précieux qui deviennent ici les premiers mots tout à fait particuliers que nous avons cherchés, ou tout simplement - L’OUVERTURE LITTÉRAIRE.

Bonne lecture !